jeudi 17 novembre 2011

Sexy Sushi



Ce billet ne comporte aucune photo. C'est le premier purement textuel, mais ce n'est probablement pas le dernier. En effet, il y a bien des choses à montrer du Mexique (et d'autres pays pour les plus assidus), mais il y a aussi beaucoup à dire. Sans plus attendre, parlons non pas cuisine et spécialités, mais plutôt bizarreries culinaires...
Car oui, il serait fâcheux de taire un pan si surprenant de la culture mexicaine : leur goût. J'ai pendant longtemps pensé que sur ce point les chinois étaient bizarres, je les trouve d'une normalité accablante, d'un ennui tout à fait banal. Il ne s'agit plus ici de manier les sauces à merveille ou bien d'être les champions de préparation de la viande. Non. Parlons des habitudes.

On pourrait presque les résumer en trois mots : citron, "chile" (comprenez piment) et fromage. Trois choses qui n'ont en soit rien d'effrayant, ni d'inhabituel... Mais voilà, sur à peu près n'importe quel plat, si vous ne trouvez cette sainte trinité déjà installée, nos amis à moustache et sombrero auront la politesse de vous les proposer. Exemple concret, avec de succulentes échoppes qu'on trouve à chaque coin de rue. On y trouve des fruits, que l'aimable commerçant peut transformer en salade ou en jus. Ô joie. Pour une poignée de pesos, vous voilà avec un gigantesque verre en plastique rempli de mangue, papaye, pastèque, melon, banane et je ne sais quelle autre merveille, faisant rêver les filles et pleurer les garçons. Vous salivez à l'idée même d'être l'heureux détenteur d'un si merveilleux repas. Mais alors que vous êtes nouveau dans le pays, vous ne prêtez guère attention à la phrase que vous marmonne l'artiste fruitier. Et là, c'est le drame. Devant votre regard atterré et votre corps littéralement tétanisé, le voilà qui ouvre un citron et le presse au dessus de votre salade, s'empressant de déverser de la sauce "chile" en bouteille avec une générosité absolument déconcertante, et saupoudrant le tout d'une poudre pimenter pour terminer. Il n'a pas fallu cinq secondes pour passer de l'extase au désastre. Ou devrais-je dire à la stupéfaction. Car devant un spectacle aussi inattendu que désolant, le sentiment dominant n'est pas forcément celui qu'on croit.
Merveille de ce monde, cette curiosité n'appartient pas qu'aux vendeurs de fruit du coin de la rue, qui finalement ne se plient qu'au dictat excentrique de mœurs culinaires torturées. Vous êtes en week-end avec des amis, vous attrapez tout heureux un paquet de chips, puisque vous avez une bière dans l'autre main. Une amie adorable se propose de vous aider, s'empare du paquet, l'ouvre et place le contenu dans un plat qui a l'air d'avoir été crée pour cette occasion. Bière et chips sont mauvais pour votre corps, votre poids, et ne peuvent même pas être qualifiés un temps soit peu de grande cuisine. Mais il y a cette magie qui rend cette association absolument formidable. Et il y a la magie mexicaine, qui consiste, alors que vous avez confié votre bonheur en des mains que vous pensiez innocentes, à déverser des torrents de citrons jusqu'à ce que chips soit molle, réinventer leur goût et achever leur consistance en vidant une demi bouteille de sauce "chile", avant d'y ajouter quelques copeaux de ce que certains élitistes français n'oseraient même pas appeler fromage...
Je pourrai détailler plus d'exemples quant aux surprises de ce type auxquelles j'ai eu droit, avant de sombrer dans une paranoïa complotiste, mais la charge de travail, équivalente probablement au dix volumes du Larousse Encyclopédique, m'effraie.
Aussi, je me contenterai de terminer avec l'exemple le plus récent, lien direct avec le titre de ce billet : la nourriture dite japonaise. Alors que vous êtes tranquillement assis à votre bureau, votre amis et collègue vous dit qu'il meurt d'envie de manger des sushis, et vous pensez à votre tour que cette idée n'est probablement pas la pire de l'histoire. Vingt minutes plus tard, ce ne sont finalement pas des sushis mais un enfant hybride un peu malheureux, croisement d'un maquis et d'un "california roll", mais cette fois tartiné de fromage tout autour. C'est bien connu, avec du riz, du concombre et du poisson, il faut du fromage. Et pas n'importe lequel, le mi-fromage mi-crème fraiche auquel on ajoute un parfum qui reste encore aujourd'hui une énigme, mais dont la franche caractéristique est d'être des plus désagréable. Non contents d'inventer une association qui aurait fait la fierté du docteur Moreau, il s'agit en plus de prendre ce qui se fait de pire dans l'espèce fromagère, pour être certain que si le "sushi" se dotait d'une saveur quelconque, on puisse la noyer sous un goût des plus étranges. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque la fois suivante, le fromage n'était plus là en guise d'enrobage, mais constituait pour moitié le cœur du "sushi". Et lorsque j'hasardai une question-remarque sur ce partenariat louche, on me répondit que "c'était la manière mexicaine".

Ainsi, si d'aventure vous parveniez au Mexique, méfiez-vous : un citron cache souvent une bouteille de chile, en attendant l'arrivée des troupes fromagères. La sauvegarde de la démocratie passe tout d'abord par l'uniformisation du goût.
Un peu comme un communisme culinaire planqué sous la frontière américaine.

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